DPCE Online 2-2020 - L’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale du 5 mai 2020 relative au PSPP (2 BvR 859/15) – La Cour constitutionnelle fédérale allemande insiste sur la répartition des compétences entre l’Union européenne et les Etats membres

2020-05-25

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Di David Capitant

1. L’arrêt rendu le 5 mai 2020 par la cour constitutionnelle fédérale allemande est intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord il apporte des précisions sur la manière dont la Cour constitutionnelle fédérale envisage le contrôle des décisions adoptées par les institutions de l’Union européenne lorsqu’elle estime que celles-ci ont été adoptées en dehors des compétences d’attribution accordées à l’Union européenne par les traités et peuvent ainsi être considérées comme ultra vires. Au-delà de cette question de principe, l’arrêt apporte des précisions sur les conditions dans lesquelles l’Allemagne peut participer, au regard de ses règles constitutionnelles, aux mécanismes d’achat de titres souverains mis en œuvre par le Système européen des banques centrales (SEBC).

2. La Cour constitutionnelle fédérale allemande a été saisie par des citoyens allemands de recours constitutionnels directs (Verfassungsbeschwerde) dirigés principalement contre la décision (UE) 2015/774 de la Banque centrale européenne (BCE) du 4 mars 2015 concernant un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (BCE/2015/10) (Public sector asset purchase programme – PSPP) et contre les décisions la prolongeant.

Cette décision s’inscrit dans la suite de la décision du conseil de la BCE en date du 22 janvier 2015 mettant en place un programme d’achats d’actifs publics et privés (asset purchase programme - APP), mesure non-conventionnelle destinée prendre le relai de la baisse des taux directeurs, arrivés à leur plus bas niveau, pour faire face à une inflation trop faible.

Les requérants font valoir principalement deux arguments : l’un relatif à la compétence de la BCE, l’autre au contenu de sa décision. Sur le premier point, ils considèrent que la BCE a agi en dehors des compétences qui lui sont accordées par les traités européens puisqu’aux termes de l’art. 119 TFUE, une distinction claire est établie entre la politique économique, y compris fiscale et budgétaire, qui reste du ressort des États membres et pour laquelle l’Union européenne n’exerce qu’une fonction de coordination (al. 1) et la politique monétaire (al. 2), confiée au Système européen de banques centrales (SEBC) par l’art. 127 TFUE. Or le programme d’achat d’actifs publics, par l’ampleur des effets qu’il exerce sur l’économie au-delà de la sphère purement monétaire, dépasserait la compétence de la BCE et du SEBC. S’agissant du contenu de la décision, les requérants font valoir que les achats d’obligations souveraines, même effectués sur le marché secondaire, équivaudraient à un financement monétaire des États membres, ce que prohibe expressément l’art. 123 TFUE.

Pour porter ces moyens devant la Cour constitutionnelle allemande, les requérants pouvaient s’appuyer sur une jurisprudence établie de la Cour constitutionnelle fédérale aux termes de laquelle l’art. 38 al. 1 de la Loi fondamentale garantit à chaque citoyen non seulement le droit de suffrage actif, mais également le droit au respect du principe de démocratie, au niveau national comme au niveau européen. Ce droit implique notamment que les compétences transférées aux institutions européennes ne soient que des compétences d’attribution, ainsi que le précise l’art. 23 de la Loi fondamentale, qu’elles ne portent pas atteinte aux compétences essentielles du Bundestag, notamment en matière budgétaire et que les décisions adoptées au niveau européen respectent l’identité constitutionnelle de l’Allemagne telle qu’elle est définie à l’art. 79 al. 3 de la Loi fondamentale par référence à ses art. 1 et 20 : dignité de la personne humaine et principe de démocratie. Ce droit issu de l’art. 38 de la Loi fondamentale peut être opposé au gouvernement allemand et au Bundestag qui doivent donc agir contre toute décision européenne qui ne respecterait pas ces principes et dont la carence peut être mise en cause devant la Cour constitutionnelle fédérale.

C’est ainsi de la carence du gouvernement fédéral et du Bundestag à agir contre la décision du SEBC instituant le PSPP qu’était saisie la Cour constitutionnelle fédérale, au motif que cette décision, d’une part dépassait les compétences du SEBC et d’autre part ne respectait pas les compétences budgétaires du Bundestag.

Le litige ainsi pendant devant la Cour constitutionnelle impliquant de se prononcer sur l’interprétation et la validité de décisions adoptées par des organes de l’Union européenne, la Cour saisit la CJUE d’un renvoi préjudiciel, conformément à l’art. 267 TFUE, par une décision rendue le 18 juillet 2017[1].

La Cour de justice répond par un arrêt rendu le 11 décembre 2018 (Weiss, C-493/17). Elle se place dans la ligne de son arrêt du 16 juin 2015 (Gauweiler e.a., C‑62/14) rendu à propos des opérations monétaires sur titre (Outright Monetary Transactions – OMT), qui consistaient également en l’achat d’obligations émises par des États-membres de la zone euro sur les marchés secondaires de la dette souveraine, et considère que le SEBC a clairement exposé, non seulement dans les motifs de sa décision (considérant 4) mais également par des communiqués de presse et dans les discours du président de la BCE, «en quoi le niveau durablement insuffisant de l’inflation et l’épuisement des outils habituellement utilisés pour mener sa politique monétaire l’ont conduit à considérer comme nécessaire l’adoption puis la mise en œuvre, à compter de l’année 2015, d’un programme d’acquisition d’actifs présentant les caractéristiques du PSPP, aussi bien dans son principe que dans ses diverses modalités» et ainsi clairement établi sa compétence.

S’agissant des effets économiques du plan d’achat, la CJUE considère ceux-ci ne sont qu’indirects et qu’ils sont la conséquence normale de la mise en œuvre de mesures de politique monétaire ; d’autre part, elle rappelle que le TFUE n’opère pas une séparation stricte entre politique monétaire et politique économique dans la mesure où l’art 127, paragraphe 1, TFUE prévoit que sans préjudice de son objectif principal de maintenir la stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union.

Interrogée sur le respect du principe de proportionnalité que prévoit l’art. 5, paragraphe 4, TUE[2] relativement à la mise en œuvre du principe d’attribution qui gouverne les compétences accordées à l’Union européenne et à ses organes, la CJUE se contente de relever que les mesures adoptées sont de nature à réaliser les objectifs poursuivis et qu’elles étaient nécessaire en raison de l’épuisement des moyens classiques de soutien de l’inflation.

Sur le second moyen relatif à ce que les mesures adoptés équivaudraient à un financement monétaire des États membres en contravention avec l’art. 123 TFUE, la CJUE considère, en se référant à son arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, que les garanties qui entourent l’achat d’actif sur le marché secondaire permettent de garantir que les acteurs du marché des titres souverains n’ayant pas de certitude sur le montant et la qualité des titres acquis par le SEBC, n’interviennent pas comme de simples intermédiaires entre les États membres émetteurs et le SEBC, mais les acquièrent à un prix de marché établi en fonction des garanties apportées par les États membres émetteurs, notamment au regard de la solidité de leurs finances publiques.

3. Pour la première fois, et c’est ce qui constitue un des intérêts principaux de l’arrêt PSPP qu’elle rend le 5 mai 2020, la Cour constitutionnelle fédérale tire des conséquences positives de sa jurisprudence sur le contrôle de l’ultra vires en ne s’inclinant pas face à l’analyse de la CJUE. Elle considère d’abord que la CJUE, dans son arrêt rendu sur renvoi préjudiciel, n’a pas correctement vérifié le respect par le SEBC de la compétence d’attribution qui lui a été confiée. Avant de remettre ainsi en cause les méthodes mises en œuvre par la CJUE, la Cour constitutionnelle prend soin de rappeler que le respect des décisions de la Cour de Luxembourg par les juridictions nationales est une des conditions de la primauté et de l’unité du droit communautaire. Mais elle considère que la compétence que l’art. 19 TUE donne à la Cour de Justice pour assurer «le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités» trouve sa limite lorsque la CJUE s’écarte des méthodes juridictionnelles d’interprétation et d’application du droit communément reçues dans les États membres (pt. 112). Certes, les résultats auxquels parvient la CJUE peuvent être différents de ceux auxquels parvient une juridiction nationale, et celle-ci doit alors reprendre la solution de la CJUE; mais cette obligation trouve sa limite lorsque la CJUE s’écarte manifestement des méthodes classiques de l’interprétation du droit.

La tension qui peut naturellement résulter de cette possibilité reconnue aux juridictions nationales de contrôler en dernier ressort l’interprétation et la validité du droit européen tient au fait que l’Union européenne n’est pas un État fédéral, et que la compétence de la compétence reste entre les mains des États membres, comme la Cour constitutionnelle fédérale l’a développé notamment dans son arrêt relatif au traité de Lisbonne (BVErfGE 123, 267). L’arrêt du 5 mai 2020 illustre cette tension dans le domaine de la détermination des compétences de l’Union européenne et de ses organes ; c’est aussi en ayant recours à cette tension que la Cour constitutionnelle fédérale, d’ailleurs rejointe par d’autres cours constitutionnelles, a accompagné le développement par la CJUE d’un catalogue de droits fondamentaux européens à partir de son arrêt Solange I du 29 mai 1974 (BVerfGE 37, 271). Une telle tension ne peut se résoudre que par la prise en compte mutuelle des points de vue et le partage de méthodes d’analyse communes. En l’espèce, il faut noter que la Cour constitutionnelle fédérale est intervenue de manière très progressive avant d’aboutir à la constatation d’un ultra vires dans son arrêt du 5 mai 2020.

En effet, elle avait évoqué la possibilité d’un tel contrôle dans sa décision Honeywell du 6 juillet 2010 (BVerfGE 126, 286) à propos d’une jurisprudence constructive de la CJUE en matière de droit du travail et avait commencé de le mettre en œuvre dans sa décision du 21 juin 2016 relative aux OMT (BVerfGE 142, 123), avant de se ranger finalement à la position exprimée par la CJUE dans son arrêt Gauweiler du 16 juin 2015 (C-62/14).

C’est bien le fait que, dans l’affaire du PSPP, la CJUE n’ait pas tenu compte des réserves que la Cour fédérale avait exprimées dans l’affaire OMT qui l’a conduite à franchir cette fois l’étape presque ultime de la reconnaissance de l’ultra vires.

C’est autour de l’exigence de proportionnalité prévue à l’art. 5 al. 4 TUE en matière de détermination des compétences de l’UE et de ses organes que la Cour constitutionnelle fédérale articule sa critique à l’égard de l’arrêt rendu par la CJUE. Elle considère que celle-ci aurait dû mettre en balance, ce qui est l’essence du principe de proportionnalité, l’objectif affiché par le SEBC de soutenir l’inflation, qui ressortit bien à sa mission monétaire, avec les effets économiques du programme d’achat d’actifs publics. Or la CJUE considère ces effets économiques comme des conséquences indirectes des décisions adoptées en matière monétaire et les tient par conséquent pour sans incidence sur la qualification de la mesure en cause.

Pour la Cour constitutionnelle fédérale, une telle analyse est contraire à toute la jurisprudence de la CJUE, qui n’hésite pas d’ordinaire à prendre en compte les effets indirects des mesures les plus variées pour en fixer la qualification, qu’il s’agisse des atteintes factuelles aux droits et libertés, des mesures d’effet équivalent dans le domaine de la libre circulation des marchandises et des services, des circonstances de fait qui permettent de qualifier une discrimination indirecte, de la mise en œuvre du principe de l’effet utile ou du principe d’équivalence ou encore de la détermination le champ de la compétence de l’UE en matière d’harmonisation.

Précisément, dans le cas de la détermination des compétence de l’Union, l’absence de contrôle par la CJUE du respect du principe de proportionnalité, entendu au sens que lui donne la Cour constitutionnelle, c’est-à-dire l’absence de prise en compte des conséquences économiques du programme d’achats d’actifs public décidé par le SEBC, ne permet de déterminer de manière satisfaisante si le SEBC, en prenant cette décision, n’a pas porté une atteinte disproportionnée aux compétences que les traités conservent aux États membres en matière de politique économique. Faute d’un tel contrôle, le SEBC pourrait prétexter un objectif de nature monétaire pour adopter des mesures justifiées en réalité par des objectifs de politique économique. La Cour constitutionnelle fédérale est alors amenée à exercer elle-même le contrôle de la proportionnalité de la décision en cause.

4. Amenée à contrôler la décision prise par le SEBC de procéder à des achats de titres publics, la Cour constitutionnelle fédérale examine d’abord sa compétence (A) avant de vérifier si, eu égard aux modalités retenues pour effectuer les achats de titres souverains, ceux-ci de constituent pas des mesures équivalant à un financement monétaire des États membres en contravention avec l’art. 123 TFUE ; à cet égard, la Cour constitutionnelle se range à la position de la CJUE mais fixe des bornes à son évolution future (B).

A – Compétence et proportionnalité. Effectuant le contrôle qu’elle reproche à la CJUE de ne pas avoir mis en œuvre, la Cour constitutionnelle fédérale met en balance les effets monétaires et économiques du PSPP pour déterminer si l’adoption d’une telle mesure relevait de la compétence du SEBC. Au tire des effets économiques, la Cour évoque le fait que les achats de titres publics menés par le SEBC permettent aux États membres de se financer sur le marché à de meilleures conditions et exercent donc des effets en matière budgétaire[3]. De tels achats ont également des effets sur le bilan des banques privées qu’elles déchargent de créances risquées sur des États en difficulté budgétaire ; ils risquent également de favoriser la création de bulles financières ou immobilières et sont ainsi susceptibles de concerner tous les citoyens en tant qu’actionnaires, locataires, propriétaires d’immeubles, épargnants, titulaires de produits d’assurance, etc. Les retraites par capitalisation sont ainsi particulièrement susceptibles d’être impactées par de tels achats. De même, de tels achats conduisent maintenir en vie des entreprises non profitables en favorisant artificiellement le crédit. Enfin, ils ont la conséquence de placer la banque centrale européenne dans une situation de dépendance croissante à la situation économique générale dans la mesure où elle aura toujours plus de difficulté à remettre en cause un tel programme.

La Cour constitutionnelle fédérale impose ainsi son interprétation du contrôle de proportionnalité afin d’assurer une lecture rigoureuse de la répartition économique entre le SEBC et les États membres. A l’un appartient la politique monétaire, aux autres la politique économique. Faisant preuve cependant d’une certaine retenue, la Cour ne prononce pas immédiatement l’illégalité du PSPP et l’obligation pour les institutions allemandes, Bundesbank comprise, d’en sortir, mais laisse au SEBC la possibilité, dans un délai de trois mois, de procéder a posteriori à un tel contrôle afin de démontrer le caractère essentiellement monétaire de sa décision.

B – Sur les modalités des achats de titres publics. L’art. 123 TFUE interdisant le financement monétaire des États membres, il convient que les modalités accompagnant l’achat de titres publics sur le marché secondaire soient telles que ni les États membres ni les intervenant sur le marché primaire de ces titres n’aient de certitude que les obligations émises seront rachetées immédiatement par le SEBC. La Cour constitutionnelle fédérale a déjà accepté dans son arrêt du 21 juin 2016 (BVerfGE 142,123) de se satisfaire des garanties imposées à cette fin par la CJUE dans son arrêt Gauweiler à propos des OMT (16 juin 2015, C‑62/14). Il s’agit notamment que la part d’obligations publiques émises par chaque État que le SEBC rachète reste limitée pour que ce soit principalement le marché qui les prenne. Le PSPP a fixé cette limite à 33%. De même, il convient que l’information diffusée sur les volumes achetés reste restreinte. Le fait que les achats de titres souverains soient effectués en corrélation avec la souscription par chaque État membre du capital de la BCE présente un caractère d’objectivité qui décourage la spéculation. La période qui doit obligatoirement séparer l’émission de l’obligation sur le marché primaire et son rachat par le SEBC, ainsi que les critères élevés d’éligibilité des titres acquis par celui-ci vont dans ce sens. C’est le cas également des conditions de revente des titres acquis avant leur échéance.

La Cour constitutionnelle vérifie la manière dont la Cour a appliqué ces critères et considère que même si elle peut formuler des critiques à certains égards, le contrôle exercé par la CJUE es acceptable dans sa globalité, de sorte que la conclusion à laquelle elle arrive que le PSPP ne porte pas atteinte à l’art. 123 TFUE doit être suivie.

Ce faisant, la Cour constitutionnelle indique implicitement que si, à propos d’un autre plan de rachats de titres souverains, la CJUE venait à appliquer les garanties ci-dessus évoquées de manière plus souple, elle pourrait être amenée à ne pas la suivre. Cela mérite d’être noté alors même que la BCE a relancé à partir du mois de novembre 2019 un programme d’assouplissement quantitatif de 80 milliards d’euros par mois qui devrait conduire à terme à relever les seuils de dette publique nationale susceptibles d’être détenus par le SEBC au-delà de 33%, programme encore étendu en mars 2020 pour faire face à la crise du corona virus.

Enfin, la Cour constitutionnelle fédérale indique dans son arrêt du 5 mai 2020 que toute modification du régime de répartition des risques entre les États membres pour les titres souverains détenus par le SEBC, qui pourrait aboutir au financement d’une banque centrale par une autre, serait contraire aux art. 123 et 125 TFUE et porterait atteinte aux compétences budgétaires du Bundestag, couvertes par les garanties de l’art. 79 de la Loi fondamentale et ressortissant ainsi de l’identité constitutionnelle de l’Allemagne.

5. Loin d’être un coup de tonnerre dans un ciel serein, l’arrêt du 5 mai 2020 s’inscrit au contraire dans un courant jurisprudentiel bien établi par lequel la Cour constitutionnelle fédérale fait valoir sa position de garante de l’ordre constitutionnel national. Inaugurée dans les années 1970 lorsqu’il s’est agi d’assurer le respect des droits fondamentaux par les institutions de l’Union européenne, cette jurisprudence a été reprise en Italie dans la théorie des contre-limites et se traduit aujourd’hui dans la notion d’identité constitutionnelle des États membres. Dans ce cadre, la Cour constitutionnelle allemande exprime un attachement particulier à la question de la répartition des compétences, question centrale dans tout système juridique fédéral, et entend qu’il soit pris au sérieux au plan européen. Elle a eu l’occasion de l’exprimer progressivement dans plusieurs décisions relatives au traités européens (cf. dernièrement l’arrêt du 30 juin 2009, Traité de Lisbonne, BVerfGE 123, 267), mais également à propos des actes de droit dérivé (arrêt du 6 juillet 2010, Honeywell, BVerfGE 126, 286). L’arrêt OMT du 21 juillet 2016 (BVerfGE 142, 123) a été l’occasion pour d’exprimer dès 2016 les contraintes qui lui semblaient devoir être respectées dans ce domaine en matière d’achats de titres souverains par le SEBC. Si elle avait finalement renoncé dans cette première affaire à s’opposer à la CJUE, c’était probablement dans l’espoir d’être entendue lorsque l’occasion s’en présenterait de nouveau. Faute de l’avoir été, ne fût-ce que formellement, dans l’affaire du PSPP, la Cour constitutionnelle fédérale a dû franchir une étape supplémentaire en recourant positivement à la théorie de l’ultra vires. Encore l’a-t-elle fait de manière retenue, laissant un nouveau délai de trois mois aux institutions européennes pour démontrer leur compétence et répondre ainsi aux exigences découlant des traités européens.

Au-delà de cette question de compétence, il faut retenir que la Cour constitutionnelle fédérale a accepté le principe même des achats de titres souverains par le SEBC au regard de l’art. 123 TFUE, tout en lui fixant des limites qui pourront se révéler contraignantes dans l’avenir.

Aussi faut-il saluer la récente initiative franco-allemande visant à la mise en place d’un fond de relance européen, annoncée le 18 mai 2020, et souhaiter qu’elle prospérera. Elle permet en effet aux États membres de reprendre la main en matière de soutien à l’économie et de permettre à la BCE de se concentrer sur des objectifs plus directement monétaires, selon la logique même des traités fondateurs de l’Union.

 

 

[1] BVerfGE 146, 216.

[2] «En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités».

 

[3] A cet égard, on peut se rappeler le tolle provoqué par la présidente de la BCE lorsqu’elle déclara le jeudi 12 mars 2020 que «la BCE n’a pas pour rôle de réduire les spreads». En effet, réduire les spreads relève essentiellement de la politique économique et non pas de la politique monétaire, même si, comme la présidente l’a ajouté par la suite, «des spreads élevés (…) pourraient gêner la transmission de la politique monétaire».